Forêt nourricière, jardin comestible ou encore jardin-verger : tous ces termes désignent le concept d’un potager cultivé selon les principes de la permaculture, qui vise l’autosuffisance, mais également l’interdépendance des espèces. Un monde où patience, observation et humilité sont de mise… Dans cet article, nous vous en expliquerons les fondements, les avantages, et nous vous livrerons les premières clés pour créer votre jardin-forêt chez vous.
Qu’est-ce qu’une forêt nourricière ?
Le terme de « forêt nourricière » est assez récent, puisqu’il fut proposé en 2009 par Wen Rolland, permaculteur québécois. Pourtant, il s’agit d’une utilisation des sols ancestrale : les traces les plus anciennes dont on dispose remontent à plus de 8000 ans, en Amazonie. Le concept consiste en l’observation des écosystèmes forestiers et de leur autorégulation, pour les reproduire, par l’Homme, dans un but d’autosuffisance alimentaire… mais pas seulement. On y recherche, à terme, l’absence d’intervention humaine pour l’arrosage et le désherbage. En résumé : un jardin 100 % autonome. Présent partout dans le monde, le principe s’inspire donc de la forêt comme mère nourricière, pour créer des systèmes visant à l’alimentation des êtres humains, mais également des animaux par le fourrage, ainsi que le chauffage par la récolte de bois. Une forêt-jardin se compose aussi bien d’arbres que d’arbustes fruitiers, de plantes potagères, de champignons, d’herbes aromatiques et médicinales, voire de produits de la ruche. Il s’agit de l’agrosystème le plus résistant, dans lequel les conditions de vie de toutes les espèces sont reliées entre elles, en totale synergie.
La permaculture ou la mère nourricière à échelle domestique
Le principe de permaculture, contraction de « Permanent Agriculture », fut fondé par Bill Mollison et David Holmgren dans les années 1970. Ce concept agricole, inspiré du modèle d’agriculture japonaise, vise à recréer un écosystème qui reproduit la dynamique naturelle des forêts, dans un objectif de résilience et de durabilité tant sur le plan écologique qu’économique ou social. Dans une agroforêt, le jardinier cultive des plantes pour la cuisine, mais aussi la phytothérapie, l’aromathérapie, ou encore pour nourrir ses animaux. L’espace est pensé de manière à ce que chaque niveau ait son utilité pour l’Homme et pour les autres espèces. Ainsi :
- les arbres qui apportent l’ombre et abritent les végétaux situés au-dessous ;
- les haies contiennent l’eau, parent le vent, stabilisent les sols et accueillent des animaux utiles
- la paille, les tas de pierres, les hôtels et nichoirs hébergent insectes et oiseaux ;
- les plantes couvre-sol (comestibles rampants) protègent de la chaleur et de la sécheresse
- d’autres plantes retiennent l’azote, repoussent les ravageurs pendant que d’autres encore attirent les pollinisateurs ;
Les jardins en permaculture ont souvent des rendements plus élevés que dans un jardin traditionnel où les parcelles (fruitiers, arbres, légumes, plantes aromatiques…) sont séparées. Ils peuvent être créés à l’échelle individuelle ou collective au sein d’un quartier ou de jardins partagés. Naturellement, engrais, désherbants et autres produits phytosanitaires n’y ont pas leur place.
Pourquoi décider de créer une forêt nourricière ?
- Viser l’autosuffisance alimentaire ;
- Cultiver le plaisir de faire pousser ses propres fruits, légumes, herbes aromatiques et médicinales ;
- Devenir autonome en bois de chauffage ;
- Agir, à son niveau, contre le dérèglement climatique en cultivant, de manière biologique, des espèces adaptées au climat et à la région ;
- Créer un écosystème indépendant en eau et, à terme, ne nécessitant plus d’intervention humaine ;
- Attirer les oiseaux, mammifères, reptiles et insectes, et préserver les espèces en danger.
Le jardin nourricier, un écosystème organisé
Loin de l’image réductrice de « jungle » qu’on lui prête parfois, le jardin nourricier répond au contraire à une organisation très étudiée, structurée en 7 strates détaillées dans cet article :
- la canopée ;
- la strate arborée basse ;
- la strate arbustive ;
- la couche herbacée ;
- la couche des couvre-sol ;
- la rhizosphère ;
- la strate verticale.
Cependant, le nombre de strates peut être adapté selon l’espace réservé. Par exemple, pour un jardin-verger domestique d’une centaine de mètres carrés, 3 ou 4 strates peuvent suffire.
L’observation et la patience comme clés de la réussite
Le passage en permaculture demande un temps d’observation conséquent. Une analyse du terrain (capacité d’absorption de l’eau, ruissellement, ensoleillement, PH, relief, exposition aux vents, nature du sol…) est absolument nécessaire pour déterminer quelles seront les cultures possibles et favorables. Celle-ci doit s’effectuer sur plusieurs cycles de saisons. D’autre part, on estime que pour créer une mini-forêt nourricière, il faut compter au minimum 3 ans, avec son lot d’essais et d’échecs. Une belle leçon d’humilité et une excellente manière de lâcher prise au jardin !
Concrètement, comment commencer la permaculture chez soi ?
Vous l’aurez compris : l’agroécologie ne s’improvise pas. Quelques conseils pratiques vous permettront d’éviter les erreurs les plus courantes en permaculture :
- dédier un temps non compressible à l’enrichissement de votre terrain avant d’envisager toute plantation ;
- réaliser un plan de votre potager en dessinant les sentiers et en visualisant vos itinéraires de récolte selon les saisons ;
- varier les espèces de manière à disposer de fruits et légumes tout au long de l’année et pas seulement à la belle saison ;
- choisir des variétés résistantes aux maladies, et, idéalement, des semences paysannes déjà acclimatées à votre région ;
- tenir compte de vos habitudes de consommation et de l’évolution de votre foyer.
Mais l’étape préalable, qui peut se faire en parallèle de l’étude de terrain, consiste à s’informer longuement sur l’agroforesterie, la botanique et les techniques de jardinage au naturel. Nous vous conseillons notamment deux lectures : « Jardiner sur sol vivant » de Gilles Domenech, et « La forêt Jardin — Créer une forêt comestible en permaculture pour retrouver autonomie et abondance » de Martin Crawford. Des formations en permaculture, à l’attention des particuliers, vous aideront à partir sur de bonnes bases. Autour de chez vous, des événements locaux ou « portes ouvertes au jardin » vous permettront de glaner de précieux conseils afin de réussir au mieux ce projet, aussi enrichissant sur le plan personnel que vertueux pour la planète.