En plein centre de Plozévet, dans l’ancien bar-restaurant Le Vaisseau, nous avons rendez-vous avec Etienne Soubrié, l’administrateur de l’association « Restachou Mad », « les bons restes » en breton. Récit de l’aventure épique d’une association forte de convictions !
Les origines de la conserverie zéro déchet
Restachou Mad est née d’une autre association, La CHOUET’ de Douarnenez, créée en 2018. Elle a pour objectif de réunir des personnes (environ 200 adhérents) autour de projets d’utilité économique et écologique en territoire, comme :
- La réalisation de jardins partagés à Douarnenez (en cours).
- Le projet de collecte de biodéchets des restaurateurs à Douarnenez pour les transformer en terre végétale, thé de compost et des lombrics. Ce projet avait pour objectif d’anticiper une loi qui sera en vigueur en 2025 pour les communautés de communes. Elles auront alors l’obligation de se munir d’un traitement des biodéchets à la source pour les professionnels qui jettent dès 10 kilos/an. (Ce projet n’a pas été accepté par la commune).
- En 2020 : création et développement d’un laboratoire de transformation pour les excédents de production locale à Plozévet avec Restachou Mad… (en cours).
Dans la vie d’un entrepreneur, il y a souvent le projet de base et ensuite, tous les moyens d’arriver à ses fins ! Ainsi, à l’origine, l’association Restachou Mad avait pour seul objectif d’être un « transformateur de surplus de production » œuvrant dans un « conteneur- laboratoire passif en terme d’énergie ». Tous les fluides (eau, électricité, gaz) devaient être optimisés avec de l’énergie solaire et éolienne pour consommer moins, avec un mélange de low tech et high tech. Il devait aussi être équipé d’un autoclave, un séchoir, des chambres froides… Mais ce projet n’était viable qu’à condition d’accord de subventions… Ainsi, il a fallu trouver de nouvelles solutions !
Restachou Mad, l’engagement de passionnés à tout prix !
« Avoir des idées, c’est bien. Avoir les moyens de les réaliser, c’est mieux ! » et pour cela, Etienne Soubrié ne manque pas de ressources pour faire bouger les lignes ! Ainsi, afin de rendre viable son projet de transformations d’excédents de production, il va frapper à de nombreuses portes pour tenter d’obtenir des subventions et des prêts bancaires :
- Fondation Guyomarc’h : 1500 € d’aides reçues pour la défense de projets porteurs d’emplois
- Fonds européens leaders des collectivités : aide acceptée de 37.000 €, mais qui sera versée uniquement après dépenses sur présentation de factures… donc en attente.
- Fondation RTE : subvention de 25.000 € acceptée mais suspendue car il faut avoir un contrat de bail et un crédit bancaire… mais qui est pour l’instant refusé.
- Crédit bancaire : non accepté par les banques déjà sollicitées qui trouvaient que le projet n’était pas viable selon leurs conditions…
Ainsi, contre vents et marées, c’est avec courage et panache que Restachou Mad a quand même ouvert en mars 2020 avec 3.500€ de fonds propres de l’association et 5.000€ de cagnotte en ligne. Evidemment, le projet de cuisine conteneur ne pouvait pas voir le jour… mais comme l’association s’appelle « Les Bons Restes », elle avait repéré un bar-restaurant qui était à louer ou vendre en plein cœur de Plozévet, équipé d’une cuisine laboratoire comme ils en rêvaient ! Ainsi, ils ont fait évoluer leur concept de base pour créer autour de leur projet, un lieu d’échanges et de régalades.
En 2020, Restachou Mad propose à la carte…
- Un bar où il fait bon échanger, boire, danser, donner de la voix selon les soirées !
- Un restaurant ouvert tous les midis en semaine de style ouvrier et les soirs de fin de semaine
- Un lieu de débats, de concerts, d’animations… pour créer du lien social
- Un laboratoire de transformation de fruits et légumes : conserverie, séchoir, fumoir
- Un espace de vente pour les produits transformés
- Des plats vendus à emporter et en portage à domicile.
Grâce à une équipe de passionnés composée de 7 salariés et des bénévoles occasionnels et réguliers :
- 2 cuisiniers
- 2 employés polyvalents
- 1 valoriste (se forme dans la structure à la cuisine : process de séchage, de surgélation, de transformation de fruits en jus, de stérilisation…
- 1 coordinateur : aller chercher des produits et comment les transformer
- 1 administrateur : comptabilité, gestion…
Quelle est la journée type d’un salarié/bénévole de Restachou Mad ?
- 8h : 1er cuisinier arrive. Il fait un point sur l’état du stock dans la cuisine, de la collecte de la veille et compose un menu pour le restaurant et la vente à emporter.
- 9h : Préparation de la salle par l’employé polyvalent. Le coordinateur contacte les producteurs locaux et autres fournisseurs pour savoir ce qu’ils ont en surplus actuellement ou à venir.
- 12h-14h : service du midi : bar, restaurant, vente à emporter avec 30 à 40 couverts
- De 15h au soir : Activités transformation :
- bocaux de légumes
- bouteilles (jus de pommes…)
- rhums arrangés
- soupes
- légumes et fruits séchés
- 19h-22h : Service du soir, bar, restaurant ouvert le jeudi, vendredi, samedi soir
- 1h : Fermeture du bar.
Administrateur de l’association, Etienne nous confie, quant à lui, travailler en moyenne 100 h/semaine. Il a suivi une formation au CREOPS CORNOUAILLE 2017 par Chrysalide à Quimper pour l’activité : « Créateur et repreneur d’entreprises d’économie sociale et solidaire ».
« Trouvez un job qui vous plaît… et vous n’aurez jamais à travailler de votre vie ! »
Pourquoi créer dans le Finistère, une activité de conserverie avec des surplus de production ?
La Bretagne étant la terre agricole de prédilection, l’association Restachou Mad était bien placée pour se poser les bonnes questions sur le gâchis alimentaire et les surplus de production ! De plus, les chiffres nationaux sur le gâchis alimentaire démontrent tout l’enjeu de ce sujet :
- dans une maison : il y a 30 kilos/an/personne de déchets alimentaires,
- du champs à l’assiette : il y a 90 kilos/an/personne de déchets alimentaires,
- 1/3 de la production agricole part directement à la poubelle !
Ainsi, Restachou Mad s’est organisée pour se fournir au niveau local :
- chez les maraîchers à 20 km autour de Plozévet
- dans un hypermarché de Plozévet (fruits et légumes)
Selon leurs fournisseurs et leurs stocks, différents types de transactions sont réalisés :
- gratuités
- échanges de services : au champ, à la conserverie…
- négociations au prix le plus bas
Demain, Etienne souhaiterait aller plus loin dans sa relation avec les maraîchers locaux et faire que leur pratique de dons des surplus de production soit plus automatisée en réalisant par exemple, un planning sur les récoltes futures de chaque producteur, des échanges de réalisations entre les producteurs, les cuisiniers, les valoristes….
Précurseur, Etienne se rend aussi compte qu’ils sont au début de l’histoire des « Ressourceries Alimentaires » et qu’il faut trouver et élaborer des process en terme d’hygiène et de sécurité alimentaire. Ils doivent être optimisés en temps et en main d’œuvre afin de pouvoir récupérer tous les excédents alimentaires en frais surtout !
« Il faut produire trop pour produire assez !»
En septembre 2020, quel est le bilan de l’activité de l’association ?
Etienne dresse avec nous son bilan d’un semestre : « Nous avons ouvert nos portes le 6 mars 2020… pour les fermer rapidement au 1er confinement ! Heureusement, nous avions basé notre activité sur la vente à emporter et le portage des repas à domicile, ce qui nous a permis de faire travailler nos 3 salariés et bénévoles le temps du confinement. Le 2 juin, le bar-restaurant a pu rouvrir au public mais malheureusement, le bilan financier estival a été moins bon que les années précédentes… Heureusement, le lieu a trouvé son public et nous bénéficions du soutien de clients réguliers. Concrètement, l’activité du bar-restaurant sert à viabiliser l’association en attendant qu’un crédit bancaire ou des subventions permettent d’acquérir un outil de production et transformation optimal. Nous sommes en flux tendus permanents en attendant de recevoir nos subventions et notre masse salariale est élevée. Il n’y aura pas de subvention spéciale COVID-19 car la structure n’a pas encore 1 an et donc pas de bilan précédent à présenter…
Ainsi, si vous passez par Plozévet dans le Finistère dud, ne gaspillez pas votre temps et passez au Vaisseau pour boire, manger, échanger, valoriser et acheter des produits transformés avec passion et conviction !